Élise
Quelque part à Saint Gilles, dans le quartier Bosnie
Le 31 octobre 2014

Peux‑tu te présenter ?

Je m’appelle Élise, je suis architecte de formation mais je travaille plutôt dans le milieu culturel dans tout ce qui est installations artistiques dans l’espace public, organisation d’expositions, de tables rondes, de colloques, etc. Je suis aussi prof de fitness. Et puis j’habite à Saint‑Gilles.

Est‑ce que tu as toujours vécu à Saint‑Gilles ?

Déjà, je ne suis pas bruxelloise, je viens de Wallonie, dans le Hainaut. Plus précisément de Boussu‑Lez‑Walcourt. À dix‑huit ans j’ai quitté mon village natal pour faire mes études à Liège. Puis je suis arrivée à Bruxelles pour faire mes Masters à La Cambre. J’ai habité d’abord près de la place de la Trinité, puis chaussée de Waterloo. Donc à Bruxelles, j’ai toujours habité à Saint‑Gilles mais plutôt dans le haut. C’est la première fois que j’habite dans le bas.

Est‑ce que tu vois des différences entre le haut et le bas de Saint‑Gilles ?

La population est clairement différente. Dans le haut de Saint‑Gilles, c’était une population plutôt type « Ixelles » ou « Uccle », alors qu’ici en bas c’est clairement une population multiculturelle. Mais d’un point de vue plus personnel, c’est surtout ma manière de consommer qui a changé en déménageant. Quand j’étais dans le haut de Saint‑Gilles, j’allais plutôt dans des supermarchés « traditionnels », alors que maintenant je vais dans des magasins de proximité, qui ont l’avantage d’être ouverts plus tard, le week‑end et où il y a un contact plus personnel avec les vendeurs. Par exemple, maintenant je vais faire mes courses au Rif Market, chaussée de Forest, ou chercher mon pain chez un petit boulanger du coin de la rue, alors qu’avant j’allais simplement au Delhaize. J’ai aussi découvert un super boucher, dans une petite rue perpendiculaire à l’avenue Jean Volders qui s’appelle Don Luc. Et c’est un vrai vieux boucher, à l’ancienne. Il y a une grosse vache rouge au carrefour avec l’avenue Jean Volders qui fait un peu l’appel pour montrer le magasin. Mais je découvre encore le quartier. Il y a des endroits devant lesquels je passe et je me dis que je devrais m’y arrêter mais je ne l’ai pas encore fait.

Est‑ce qu’il y a d’autres lieux dans Bruxelles où tu te rends régulièrement ?

Au niveau des sorties, ce serait plutôt le parvis de Saint‑Gilles, Maison du Peuple, autour de la porte de Hal, le Potemkine. Parfois le centre ville, du côté de la Bourse, les Halles, le Central. Sinon au niveau des hobbies, ma salle de sport est dans le haut de Saint‑Gilles. Je circule souvent à vélo. Donc même si c’est pour aller d’un point A à un point B sans m’arrêter, j’ai un rapport très direct à la ville.

Est‑ce que tu as déjà entendu des anecdotes ou des légendes urbaines qui concernent le quartier ?

Pas vraiment. Par contre, chaque fois que je dis que j’habite pas loin de la place Bethléem, les gens me disent : « Place Bethléem ! C’est vraiment insécure comme quartier… Ça va en tant que fille toute seule ? ». Mais, moi, je me sens très à l’aise. Place Bethléem, ça m’évoque plutôt les enfants qui jouent l’été, les restos grecs et la pizzeria. C’est marrant d’ailleurs, beaucoup disent que c’est la meilleure pizzeria de Bruxelles et le type qui fait les pizzas est plutôt d’origine tunisienne, il me semble, et s’appelle Momo. Chez Momo, la pizzeria s’appelle comme ça d’ailleurs. Et c’est toujours blindé. En été quand il y a les terrasses, il y a une ambiance super familiale sur la place Bethléem. Et donc cette place « coupe‑gorge », moi je ne la connais pas. D’ailleurs c’est aussi une grande différence par rapport au haut de Saint‑Gilles, je trouve que l’ambiance est plus familiale ici. Par exemple, deux maisons plus loin, il y a un vieux monsieur, portugais je crois, qui est tout le temps sur le pas de sa porte. À mon avis, sa femme doit l’empêcher de fumer à l’intérieur et il fume bien 25 clopes par jour. Si il y a quoi que ce soit qui se passe, une vitre casée, une voiture volée, il le voit. Et puis il y a pas mal de familles aussi. Il y a un côté assez rassurant et bienveillant au niveau de la rue qu’il n’y avait pas dans le haut, où c’était plutôt des eurocrates et moins des familles. Après, place Bethléem, c’est vrai que je connais quand même une anecdote de vol de moto. Un policier m’a raconté avoir laissé stationnée sa moto quelque part autour de la place. En moins de 3 minutes, sa moto avait disparu. Mais comme il connait bien les gens du quartier, qu’il est maghrébin et qu’il parle arabe, il a réussi en rentrant dans un petit magasin à palabrer et à savoir qui était le responsable. Il a été trouver le gars qui lui avait volé sa moto, qui l’avait entreposée dans un garage à deux pas de la place. Et même en étant policier, il s’est dit qu’il valait mieux de faire ça en stoem’ plutôt que de porter plainte. Il a négocié avec le voleur et il a racheté sa propre moto à 500 euros. Tout ça s’est passé en l’espace d’une heure…

Est‑ce qu’il y a des mots, des tags, des enseignes de magasin qui attirent ton attention dans le quartier ?

C’est marrant que tu me poses cette question. Je me suis déjà fait la réflexion que les noms des magasins dans le quartier sont souvent très génériques, du style « L’épicerie du coin » ou le « Super Snack ».

Où vas‑tu lorsque tu quittes Bruxelles ? En vacances ou pour d’autres raisons ?

Je quitte Bruxelles régulièrement pour rendre visite à mes parents en Wallonie. C’est déjà toute une aventure parce que je n’ai pas de voiture et je circule exclusivement à vélo ou en transports en commun. Donc même si il n’y a que 100 kilomètres, ça prend deux heures et demie. D’abord je prends le train, la ligne Bruxelles‑Charleroi Sud. Arrivée là, je dois attendre une demi‑heure la correspondance. Puis je prends la ligne Charleroi‑Couvin et je m’arrête à la gare de Walcourt. Et là mes parents doivent venir me chercher parce qu’il y a encore 15 kilomètres de route. En voiture. Si je prenais le bus en plus, ce serait juste impossible, ça me prendrait six heures. Sinon, je vais régulièrement à Paris ou dans le Sud de la France. L’année passée j’ai été au Maroc faire une randonnée à cheval. Et puis récemment, j’ai fait mes premiers « grands » voyages. Un en Martinique et l’autre à Bali.

Est‑ce que tu amènes des choses de Bruxelles chez tes parents ou des produits belges quand tu vas à l’étranger ? Ou a contrario, est‑ce que tu ramènes certaines choses chez toi de tes visites ou de tes voyages ?

Oui, ma mère me demande souvent d’amener des chocolats Marcolini ou des pâtisseries marocaines que j’achète ici dans le quartier, dans une pâtisserie qui se trouve au début de la chaussée de Forest. Sinon, de chez mes parents, je ramène des petits plats que ma mère me cuisine, comme des boulettes sauce tomate mais aussi des produits locaux. C’est vraiment un village en pleine campagne, donc plusieurs personnes ont des jardins, des vergers. Je ramène des noix de chez la voisine en septembre ou alors des fraises et des pommes de chez ma marraine. Il y a aussi un super bon boucher, qui est en contact avec des fermiers du coin, donc je ramène parfois un bon steak, de la viande locale. Après, quand je voyage, je prends toujours avec moi une tablette de chocolat Côte d’or aux noisettes. Du Maroc, j’ai ramené du savon et de l’huile d’argan. De Martinique, j’ai ramené du rhum évidemment. J’aurais aussi voulu ramener des fruits frais, mais en avion, ce n’était pas possible. Quand je suis revenue de Bali, j’ai ramené des mangues et des bananes séchées, des vêtements, des bijoux. Mes habitudes culinaires ont aussi un peu changé. J’essaye de reproduire des recettes de plats que j’ai goutés là‑bas ou à Bangkok, parce qu’on a aussi passé quelque jours en Thaïlande. Je me suis mise à faire du Chicken Satay et des Pad Thaï. Du coup, j’ai été plusieurs fois au supermarché asiatique au centre ville. Mais le goût est différent. Même si au niveau des épices, c’est possible de trouver plus ou moins les mêmes ici, il y a le savoir‑faire local que je n’arrive pas à reproduire.

Est‑ce qu’il y a des mots ou des expressions que tu as entendues là‑bas que tu utilises maintenant dans ton langage courant ?

Je ne dirais pas que je l’utilise couramment mais de Thaïlande, j’ai ramené le fameux « same‑same » qui est paraît‑il pas mal utilisé en Asie. C’est des amis qui étaient allés en Asie qui étaient déjà revenus avec ça. Et du coup, une fois que je suis allée en Thaïlande, j’ai fait attention et j’ai pu vérifier qu’ils disaient souvent same‑same. Quand tu as une visite guidée, par exemple, le mec te montre la photo d’un temple dans un guide puis le temple qui est juste à côté et il dit : « Same‑same ». Ça veut dire que c’est le même. Comme pour te dire : « On y est ! ».