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Magasin gratuit

prononciation

Magasin gratuit

explication

C’est une initiative collective qui s’est faite sans aucun subside. Ce qui est intéressant, c’est de voir que c’est quelque chose de facilement reproductible. Nous on a eu la chance que dans le bâtiment qu’on a occupé, il y ait cette vitrine, qui est un ancien magasin de tabac. C’est vraiment une des choses qui a fait que ça a fonctionné. Quand on a commencé à occuper le bâtiment, en parlant avec des gens d’ici… enfin ça ne m’intéressait pas dans un premier temps parce que j’ai vu des magasins gratuits dans quasi tous les squats d’Europe où je suis allé, et c’est des trucs qui ne fonctionnent pas entre guillemets. Ça veut dire que c’est une pièce qui est rempli de vêtements dans laquelle les amis des occupants vont passer une fois ou deux par semaine. Et point barre. Pourquoi ? Parce qu’en grande partie, il faut rentrer dans le bâtiment, par des corridors, par des pièces… C’est des lieux que les gens ne connaissent pas, qu’il va y avoir une méfiance à faire ça. Notre chance, c’est que c’est une vitrine visible depuis la rue, la porte est toujours ouverte. Donc les gens peuvent rentrer comme ça. Deuxièmement, on vit dans un quartier populaire. C’est à Saint-Gilles mais pas dans la partie la plus gentrifiée du quartier. Ce sont de gros immeubles d’habitation sociales, il y a beaucoup d’immigrés, tout ça…Voilà, je crois que c’est la combinaison de ces deux critères qui fait que voilà, moi je n’ai jamais vu un projet de ce type là marché aussi bien.

[lecture] Dans la nuit de dimanche à lundi, un peu avant 4h du matin, esprit divin, ou éclair de trottoir, un bruit familier. Alors que pour une fois l’insomnie nous a épargné, nous nous réveillons en sursaut. Deux silhouettes détalent en bas de la rue, un panneau de signalisation a défoncé notre vitrine. Passer un pantalon, s’armer d’une batte, sauter sur les vélos. Une heure a quadrillé le quartier, la chasse sera vaine. L’enquête s’arrête là, il y a bien assez de forme de police dans l'époque. Si nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un acte délibéré, il y a des centaines de vitrines à détruire à Bruxelles, nous sommes ni abattus, ni tristes. Au contraire, notre détermination est intacte, voire amplifiée. La bêtise humaine ne nous étonne plus. Nous ne cherchons pas le consensus. Il est plaisant d'être détesté par les plus ardents défenseurs de ce monde. Nous continuons et continuerons simplement à déployer notre empreinte sur le quartier. Il semble préférable de partager des joies que de se laisser emporter par quelque esprit de vengeance. Dans un premier temps, le magasin gratuit sera ouvert toute la semaine. En passant, notre stock s'étant une énième fois vidé, nous acceptons de nouveau les dons de vêtements.

- Au-delà de cette vitrine pétée, c’est quoi la gratuité, dans l’expérience du quotidien, quand vous ouvrez l’Armada ? C’est quoi les premières réactions, les petites interventions ?

- Maintenant, s’il y a des gens qui passent et qui découvrent le Magasin gratuit, beaucoup des gens qui viennent sont des habitués, A chaque fois qu’on ouvre, il y a des gens qui passent systématiquement. Au début, et c'était un peu notre but, et ça été une des choses les plus plaisantes, de voir comment les gens étaient étonnés de la gratuité, surtout les enfants par exemple. Il y a plus ou moins régulièrement des bandes de gamin qui passent… J’ai des souvenirs de gosses qui sont là, à l’intérieur qui zonent vingt minutes, et qui nous demandent trois fois : « Hey, Monsieur, c’est combien ce truc gratuit ? » Trois fois on lui explique mais non, c’est gratuit, ça veut dire que tu ne payes pas ! A la fin, il nous dit : « Ah ouai mais désolé, nous on sait pas ce que c’est la gratuité” ou: “On ne sait plus ce que c’est. » C’est vrai que quand il dit ça, il y a quelque chose qui s'éclaire. On voit tout le temps des trucs gratuits dans le monde dans lequel on vit, dans la publicité, ce genre de chose. Mais en fait, c’est quasi toujours gratuit à partir du moment que tu achètes quelque chose. Tu vas avoir des minutes gratuites sur ton gsm, si tu achètes tel abonnement. Tu vas avoir tel jeu gratuit si tu achètes la console. Donc voilà, c’est assez marrant.
– Donc tu dis que la gratuituité, c’est lié à un petit piège.
– Pas de la manière dont nous on la pratique, mais la manière dont elle est vendue. Oui elle est souvent liée à un piège. C’est des gosses, mais c’est déjà arrivé qu’une femme de trente-cinq quarante ans qui voit les écriteaux magasin gratuit sur la vitrine, qui nous regarde un peu en nous toisant, en mode «  A moi on me la fait pas », et qui nous dit « Ah oui, c’est gratuit ! Et c’est à quel moment que je paye ? » En mode: “Ouai ouai, moi on me l’a fait pas”. “Bah, non, écoutez, vous rentrez, vous prenez ce que vous voulez”. Il lui faut deux trois minutes pour y croire. Donc c’est un peu une manière d’interroger le rapport à l’argent pour nous. De montrer aussi qu’il y a moyen de faire toute une série de choses sans argent. C’est aussi un moyen de réagir à la société de consommation, la “société de provocation” si on peut l’appeler comme ça, avec cette surabondance de biens qui sont jetés, qui sont jetés, alors qu’il y en a énormément qui pourrait être tout à fait réutilisable.

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